LES GRANDES QUESTIONS > Les chirurgiens > Les premiers chirurgiens esthétiques
Non classée, à son apparition, dans les spécialités chirurgicales officielles, la chirurgie esthétique a longtemps été pratiquée sans que le praticien n’ait à justifier obligatoirement la formation de chirurgien. L’analyse des demandes, la qualité des résultats et la notion de paiement se sont vite éloignées des idées de prudence de départ. La demande a été largement encouragée, s’inscrivant dans le cadre d’un phénomène de société et de profit. Devant l’ampleur du mouvement, le Conseil de l’Ordre des Médecins, l’Académie de Médecine et le Ministère de la Santé ont officiellement inclus, en 1989, la chirurgie esthétique dans la qualification de chirurgie plastique reconstructrice, devenue Chirurgie Plastique, Reconstructrice et Esthétique.
Cette spécification était officiellement l’aboutissement d’une formation précise, enseignée à l’hôpital, sanctionnée par des examens, avec reconnaissance de compétence par le Conseil national de l’ordre des médecins.
La chirurgie esthétique est donc, en France, depuis 1989, une discipline officielle. Mais après cette date, de nombreux praticiens sans qualification chirurgicale ont continué leurs activités. Plus de 4 000 réalisaient des actes de chirurgie esthétique alors que moins de 500 en détenaient la qualification. La situation a même empiré entre 1993 et 2003, avec le développement massif de la publicité pour des cliniques exclusivement dédiées à la chirurgie esthétique. Pour vendre à tous beauté et jeunesse, la chirurgie esthétique a vraiment basculé dans le commerce.
Face à cette déferlante, et voyant cette discipline évoluer de manière désastreuse, en mars 1996 j’ai pour la première fois, affirmer publiquement la nécessité d’établir un accord écrit avant toute intervention de chirurgie esthétique ( Vaincre la chirurgie inesthétique, 1996).
Ce contrat écrit comprenait l’ensemble des informations qu’un patient devait connaître sur le chirurgien et l’intervention.
L’ARM introduisait deux notions très inhabituelles en médecine : l’information écrite préalable et la définition d’un résultat, donc la reconnaissance d’une certaine obligation de résultat, dans une véritable relation contractuelle.
Très vite, le 1" janvier 1997, un arrêté est publié sous le nom de « devis concernant un acte médico-chirurgical à visée esthétique ». Il rend obligatoire l’établissement d’un devis avant les interventions de chirurgie esthétique, avec mention de certaines informations concernant le praticien. Le 25 février 1997, un arrêt de la Cour de Cassation juge que « celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation particulière d’information doit rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation ». C’est un véritable bouleversement dans les rapports entre médecins et patients. La charge de la preuve est renversée. Le médecin doit prouver tout ce qu’il a dit au patient avant son intervention. Cette preuve a tout intérêt, selon les magistrats, à être consignée dans un document écrit, signé et approuvé par le patient.
Qu’on l’appelle ARM, consentement éclairé, contrat ou qu’elle n’ait pas d’intitulé, l’information et la preuve de cette information sont maintenant obligatoires . La loi du 4 mars 2002 sur la modernisation du système de santé réglemente enfin les cliniques de chirurgie esthétique, et renforce encore les devoirs des praticiens. Elle interdit la publicité pour les clinique de chirurgie esthétique, rend incontournable l’instauration du devis et la délivrance de l’information dans le but du consentement éclairé.
On peut donc dire qu’il a fallu à peu près 30 ans pour que la chirurgie esthétique s’exerce dans un cadre réglementaire. Tous les problèmes ne sont pas pour autant réglés. Cliniques et praticiens ne se privent pas de faire de la publicité, notamment sur Internet, sans être inquiétés. En outre, l’information est loin d’être délivrée complètement. De nombreux praticiens non qualifiés en chirurgie esthétique continuent d’exercer. Néanmoins, tous ces contrevenants à la loi sont désormais passibles de poursuites et de sévères condamnations.